Si tel était bien le cas, il était plus intelligent que Laäf qui, lui, resta encore un bon nombre de seconde à fixer l'endroit où son centre d'intérêt du moment se trouvait encore peu de temps auparavant. Ce ne fut que lorsque Nehênx s'enroula autour de sa jambe, sous son pantalon, en quête de chaleur qu'il se remit à bouger, se redressant lentement.
Clignant à nouveau des yeux, comme au sortir d'un rêve, le jeune homme promena son regard autour de lui. Le vent se chargeait déjà de fraîcheur nocturne, et il se pencha pour récupérer sa vipère et lui ouvrir sa chemise. Elle aurait plus chaud en s'enroulant autour de son ventre, et les températures allaient bientôt chuter…
Il aurait tout juste le temps de revenir au campement avant qu'il ne fasse trop sombre, s'il se dépêchait… Fort de cette résolution, il fit demi-tour et descendit de la dune où il était juché. Marchant précipitamment au souvenir de sa dernière nuit en extérieur, il voulut aller trop vite. Son pied s'enfonça un peu trop dans le sable et il perdit l'équilibre, roulant jusqu'au bas de la dune où il resta étendu, le temps que sa vision se stabilise.
Son serpent l'avait tout de suite rassuré en sortant la tête - et uniquement la tête, il commençait à faire froid - de ses vêtements pour siffler en le regardant. Une manière de dire qu'il ne l'avait pas écrasé. Mais le sable dégageait encore de la chaleur, et Laäf s'y attarda quelques secondes encore. Combien de temps le sable mettait-il à refroidir véritablement… ?
Un soupir franchit ses lèvres, et il se remit sur son séant. Rentrer. Il devait rentrer chez lui. Il n'était vraiment pas loin, il était même venu à pied. Le trajet ne serait pas très long… Il se mit à marcher et, rapidement, il eut parcouru la moitié de la distance qui le séparait des siens. L'obscurité était à présent largement tombée, mais il n'entendait aucun démon autour de lui.
Puis un ganga lui passa entre les jambes à vive allure, assez vite pour qu'il ait l'impression de sentir les plumes le frôler. Un seul - n'étaient-ils pas grégaires, normalement - et qui avait des couleurs que le jeune nomade n'avait jamais observé sur un membre de cette espèce. Et vers quoi - ou loin de quoi - courait-il ainsi ?
La course en question dura bien une heure, au cours de laquelle Laäf prit bien garde à ne pas accélérer trop le pas, pour ne pas terrifier le volatile, sans pour autant prendre le risque de le perdre de vue. Puis… l'animal s'envola soudain.
Le nomade accéléra le pas dans l'espoir de le suivre assez pour en avoir le coeur net, et son regard tomba sur une pierre. Une pierre, au milieu du sable. Il ralentit et revint sur ses pas, s'accroupissant pour la récupérer dans sa main. Elle était somme toute assez banale, en dehors de sa présence ici. Tombée de la poche de quelqu'un… ?
Il la caressa du bout des doigts, souriant à sa texture toute douce. Non, cela devait faire un moment qu'elle était là, le sable avait poncé toutes les aspérités qu'il avait pu y avoir auparavant à la surface du caillou. Il la glissa dans sa poche tout en se redressant, se promettant de l'examiner lorsqu'il aurait de la lumière.
Et en parlant de lumière… Il était plus que temps qu'il regagne enfin le campement. Grimpant une dune, il tourna sur lui-même pour se repérer. Le plus visible était, bien sûr, la ville des citadins. Qui n'était pas toute proche, mais il s'en était davantage rapproché qu'il ne l'aurait pensé. Et, entre lui et la ville, à quelques dunes d'écart par rapport à celle où il était perché, il y avait quelqu'un. Qui n'était pas un nomade.
Sans tenir compte du sifflement d'avertissement de Nehênx, Laäf trottina jusqu'à l'endroit où il avait aperçu l'inconnu. Qui avait un peu progressé, mais pas tant que ça. Il le rejoignit donc, le dépassant avant de se retourner pour observer, la tête légèrement penchée, ce qu'il était en train de faire.
"Qu'est-ce que tu fais là ?" demanda-t-il, sincèrement curieux et sans une once d'agressivité.
Après tout, il était rare de voir des citadins qui n'étaient pas de l'armée en dehors de la ville. Et celui-là n'était pas habillé de la même manière que tous ceux de l'armée qu'il avait pu apercevoir pour le moment…
"C'est les habits de nuit de l'armée ? Mais tu es tout seul, habituellement, ceux de la ville grouillent quand ils viennent dans le désert. Peut-être pour se protéger des démons… Tu en as vu ?"