Le gars là-bas, avec les cheveux rouges |
♪♫
Je tape des pieds sur la tôle du container, au rythme des basses. Le son est fort, très fort, peut-être que les gars sur la ligne de départ l'entendent, pourtant ils se trouvent à plusieurs centaines de mètres. On ne les voit pas d'ici, on est situés au virage serré qui précède la ligne droite de l'arrivée. Des dizaines de têtes curieuses ou intéressées se penchent par dessus les rambardes des balcons des immeubles délavés qui bordent la rue. Des jeunes pour la plupart, ou des chômeurs. Les bolides ne sont pourtant pas encore passés. Ici tout le monde est au courant que les courses ont lieu le mercredi soir, à la nuit tombée. Celle-ci est réputée pour être la plus courte, mais pas la plus facile. Le parcours est essentiellement composé de ruelles étroites et de virages secs, dont le dernier, celui où l'on se trouve, constitue une véritable gorge d'étranglement. Les containers, placés sur la chaussée même, empêchent le passage de plus de trois véhicules simultanément. J'aime cette course, j'y traîne souvent.
- Kenza, descends de ce truc putain.
J'ai un petit rire en entendant Elie tenter d'avoir un semblant d'autorité sur moi. Je lui arrache la pauvre clope qu'il a entre les doigts et qu'il galère à allumer depuis cinq bonnes minutes.
- Donne-moi ça, toi.
Je lui allume du premier coup avec mon propre briquet avant de tirer un coup puis de lui la rendre. Elie est une petite frappe. Toute petite. C'est la première fois que je l’emmène ici, sûrement la dernière puisqu'il m'a déjà demandé trois fois de me placer derrière le container plutôt qu'au dessus. Mais j'veux les voir tous passer moi, je ne vais pas me planquer derrière une fichue boîte de métal juste pour ne pas risquer de me prendre quelques cailloux.
Il est vrai que ma place est plutôt exposée. Un simple dérapage et je risque de me prendre et l'engin et le pilote dans les jambes. M'enfin bon, un accident c'est un accident, ça peut arriver un lundi au supermarché comme un mercredi dans une gorge d'étranglement d'une des courses les plus célèbres de la ville.
- Il a raison mec, tu ferais mieux au moins de relever tes jambes.
La voix d'Alexandre est légèrement couverte par les cris des spectateurs, qui eux mêmes sont presque inaudibles à cause du boucan monstre que provoquent les motos en approche. J'ai un soupir.
- C'est bon, me casse pas les...
Le reste de ma phrase, même moi je ne l'entends pas. Je vois le premier concurrent, visiblement bien en tête, débouler et entamer son virage, le plus chaud de tous. Je crois que j'ai déjà croisé cette moto, plusieurs fois même. Il finit toujours parmi les premiers, et on comprends pourquoi. Il maîtrise bien, son dernier virage est propre, pas un gravier ne me saute dans l’œil, seules la chaleur et l'odeur forte qui émanent du pot d'échappement viennent jusqu'à moi. Mon sourire s'élargit, ce gars-là est vraiment impressionnant. Je me demande juste pourquoi les autres sont autant derrière. J'ai la réponse quand je les vois arriver à quatre, coudes à coudes, en rang d'oignons sur la chaussée. Mon sang ne fait qu'un tour, je me laisse tomber en arrière sur le métal, lève mes jambes, et je sens une main ferme empoigner ma capuche et me tirer sèchement plus près de l'arrière du container, en même temps qu'une des bécanes s'écrase contre la tôle dans un fracas métallique. Son conducteur a eu la présence d'esprit de sauter avant. Il n'a rien, il s'est brûlé tout au plus. Je me retourne, pour constater comme je m'y attendais le regard noir d'Alex et la clope d'Elie qui est tombée de sa bouche. J'ai un petit rire et je me lève, commence à marcher vers l'arrivée.
- Faites pas ces têtes, j'suis vivant.
Mes jambes me distancent des deux gugusses et j'arrive à hauteur d'un concurrent, à qui je demande de me désigner le premier.
- C'est le gars là-bas, avec les cheveux rouges, TJ.
Je hoche la tête et m'approche, un peu impressionné, il faut bien que je me l'avoue, mais sans plus. Je m'arrête à un mètre de lui, sourire toujours aux lèvres, comme d'habitude.
- Salut. Je voulais te féliciter pour la course. J'ai pas tout vu forcément, mais le virage là-bas... C'était impressionnant.
Généralement on ne s'attarde pas plus que ça avec les gagnants, ils ont souvent un peu d'argent à récolter. Mais je me risque à une présentation.
- J'm'appelle McKenzie, je crois que je t'ai déjà vu rouler souvent. Je me demandais si t'accepterais que j'aille voir ton engin d'un peu plus près. Enfin quand t'as le temps, je pense que t'as des choses à finir avant.
Je tape des pieds sur la tôle du container, au rythme des basses. Le son est fort, très fort, peut-être que les gars sur la ligne de départ l'entendent, pourtant ils se trouvent à plusieurs centaines de mètres. On ne les voit pas d'ici, on est situés au virage serré qui précède la ligne droite de l'arrivée. Des dizaines de têtes curieuses ou intéressées se penchent par dessus les rambardes des balcons des immeubles délavés qui bordent la rue. Des jeunes pour la plupart, ou des chômeurs. Les bolides ne sont pourtant pas encore passés. Ici tout le monde est au courant que les courses ont lieu le mercredi soir, à la nuit tombée. Celle-ci est réputée pour être la plus courte, mais pas la plus facile. Le parcours est essentiellement composé de ruelles étroites et de virages secs, dont le dernier, celui où l'on se trouve, constitue une véritable gorge d'étranglement. Les containers, placés sur la chaussée même, empêchent le passage de plus de trois véhicules simultanément. J'aime cette course, j'y traîne souvent.
- Kenza, descends de ce truc putain.
J'ai un petit rire en entendant Elie tenter d'avoir un semblant d'autorité sur moi. Je lui arrache la pauvre clope qu'il a entre les doigts et qu'il galère à allumer depuis cinq bonnes minutes.
- Donne-moi ça, toi.
Je lui allume du premier coup avec mon propre briquet avant de tirer un coup puis de lui la rendre. Elie est une petite frappe. Toute petite. C'est la première fois que je l’emmène ici, sûrement la dernière puisqu'il m'a déjà demandé trois fois de me placer derrière le container plutôt qu'au dessus. Mais j'veux les voir tous passer moi, je ne vais pas me planquer derrière une fichue boîte de métal juste pour ne pas risquer de me prendre quelques cailloux.
Il est vrai que ma place est plutôt exposée. Un simple dérapage et je risque de me prendre et l'engin et le pilote dans les jambes. M'enfin bon, un accident c'est un accident, ça peut arriver un lundi au supermarché comme un mercredi dans une gorge d'étranglement d'une des courses les plus célèbres de la ville.
- Il a raison mec, tu ferais mieux au moins de relever tes jambes.
La voix d'Alexandre est légèrement couverte par les cris des spectateurs, qui eux mêmes sont presque inaudibles à cause du boucan monstre que provoquent les motos en approche. J'ai un soupir.
- C'est bon, me casse pas les...
Le reste de ma phrase, même moi je ne l'entends pas. Je vois le premier concurrent, visiblement bien en tête, débouler et entamer son virage, le plus chaud de tous. Je crois que j'ai déjà croisé cette moto, plusieurs fois même. Il finit toujours parmi les premiers, et on comprends pourquoi. Il maîtrise bien, son dernier virage est propre, pas un gravier ne me saute dans l’œil, seules la chaleur et l'odeur forte qui émanent du pot d'échappement viennent jusqu'à moi. Mon sourire s'élargit, ce gars-là est vraiment impressionnant. Je me demande juste pourquoi les autres sont autant derrière. J'ai la réponse quand je les vois arriver à quatre, coudes à coudes, en rang d'oignons sur la chaussée. Mon sang ne fait qu'un tour, je me laisse tomber en arrière sur le métal, lève mes jambes, et je sens une main ferme empoigner ma capuche et me tirer sèchement plus près de l'arrière du container, en même temps qu'une des bécanes s'écrase contre la tôle dans un fracas métallique. Son conducteur a eu la présence d'esprit de sauter avant. Il n'a rien, il s'est brûlé tout au plus. Je me retourne, pour constater comme je m'y attendais le regard noir d'Alex et la clope d'Elie qui est tombée de sa bouche. J'ai un petit rire et je me lève, commence à marcher vers l'arrivée.
- Faites pas ces têtes, j'suis vivant.
Mes jambes me distancent des deux gugusses et j'arrive à hauteur d'un concurrent, à qui je demande de me désigner le premier.
- C'est le gars là-bas, avec les cheveux rouges, TJ.
Je hoche la tête et m'approche, un peu impressionné, il faut bien que je me l'avoue, mais sans plus. Je m'arrête à un mètre de lui, sourire toujours aux lèvres, comme d'habitude.
- Salut. Je voulais te féliciter pour la course. J'ai pas tout vu forcément, mais le virage là-bas... C'était impressionnant.
Généralement on ne s'attarde pas plus que ça avec les gagnants, ils ont souvent un peu d'argent à récolter. Mais je me risque à une présentation.
- J'm'appelle McKenzie, je crois que je t'ai déjà vu rouler souvent. Je me demandais si t'accepterais que j'aille voir ton engin d'un peu plus près. Enfin quand t'as le temps, je pense que t'as des choses à finir avant.