Elikann Uko Daleï Mu'Sajeb
Est-ce le Vrai?
Original || Sweetys
"Mon nom est Mu'Sajeb Elikann Uko Daleï et je suis un garçon de 23 ans. Je suis hétérosexuel et je suis actuellement célibataire. Mon principal défaut est mon indécision et ma qualité majeure est ma prudence."
► Nomade ou Citadin? Nomade
► Le Groupe: Fils du Serpent
► Taille: 1m91
► Poids: 72 kg
► Arme: Une bourse en tissu contenant une centaine de petites pierres, ne dépassant pas le centimètre de diamètre chacune.
► Famille: Massacrée par des Pilleurs
► Date de Naissance: Il l'a oublié.
► Emploi: Aucun
Une erreur. Une improbabilité naturelle. Voilà à peu près la seule manière de décrire Elikann par écrit. Son corps était difforme, sa tête terrifiante tant elle paraissait différente de toutes celles que quiconque a pu observer auparavant. Il était grand, mais tassé, tordu, non pas bossu, mais sa colonne vertébrale était horriblement tordue. Un jeune homme rachétique, mais qui dégageait mystérieusement une force presque bestiale.
Cette position bizzare qu'il a été obligé d'adopter est dûe à ce qu'on peut apercevoir sur ses épaules, lorsqu'il ôte l'ample cape qui lui recouvre le dos et les bras. Deux marques extrêmement distinctes sur ses épaules, dessinées dans une horrible symétrie. Deux cicatrices de brûlures évidentes. Quant à ses bras, ils sont peut-être la partie la plus humaine de son être. Bien qu'assez faméliques, comme ses mains fines recouvertes de trop peu de peau, ils ont des proportions et un aspect presque normaux.
Et son visage n'arrivait qu'à faire empirer ce sentiment de dégoût ressentit par tout être qui posait les yeux sur lui. Son visage était pâle. Maladif. Mais ses yeux, au lieu d'être plissés par la douleur ou autre mal, étaient sans cesse grand ouverts, écartés, globuleux, et parraissaient scruter tout ce qui entrait dans son large champ de vision. Les iris d'un blanc laiteux aperçus par une simple poignée d'êtres ont fini de les horrifier. Très peu nombreux sont ceux qui connaissent les raisons d'une telle difformité, mais ceux-ci sont les seuls qui ont réussi à développer de la compassion pour un tel être.
Conscient de ce qu'ont pu inspirer ses yeux, Elikann a pris l'habitude de les cacher sous une tignasse blonde, presque blanche, contrastant avec la couleur de base. En effet, à sa naissance, il avait des cheveux châtains, qui, au fil du temps, ont perdu cette couleur terne. Ces cheveux sont répartis assez étrangement sur son visage. Juste assez longs sur le front, afin de cacher ses yeux, mais très longs à l'arrière, car il ne les a jamais entretenus au delà de l'utile. Ils restent pourtants fins, unis et clairs.
Cette position bizzare qu'il a été obligé d'adopter est dûe à ce qu'on peut apercevoir sur ses épaules, lorsqu'il ôte l'ample cape qui lui recouvre le dos et les bras. Deux marques extrêmement distinctes sur ses épaules, dessinées dans une horrible symétrie. Deux cicatrices de brûlures évidentes. Quant à ses bras, ils sont peut-être la partie la plus humaine de son être. Bien qu'assez faméliques, comme ses mains fines recouvertes de trop peu de peau, ils ont des proportions et un aspect presque normaux.
Et son visage n'arrivait qu'à faire empirer ce sentiment de dégoût ressentit par tout être qui posait les yeux sur lui. Son visage était pâle. Maladif. Mais ses yeux, au lieu d'être plissés par la douleur ou autre mal, étaient sans cesse grand ouverts, écartés, globuleux, et parraissaient scruter tout ce qui entrait dans son large champ de vision. Les iris d'un blanc laiteux aperçus par une simple poignée d'êtres ont fini de les horrifier. Très peu nombreux sont ceux qui connaissent les raisons d'une telle difformité, mais ceux-ci sont les seuls qui ont réussi à développer de la compassion pour un tel être.
Conscient de ce qu'ont pu inspirer ses yeux, Elikann a pris l'habitude de les cacher sous une tignasse blonde, presque blanche, contrastant avec la couleur de base. En effet, à sa naissance, il avait des cheveux châtains, qui, au fil du temps, ont perdu cette couleur terne. Ces cheveux sont répartis assez étrangement sur son visage. Juste assez longs sur le front, afin de cacher ses yeux, mais très longs à l'arrière, car il ne les a jamais entretenus au delà de l'utile. Ils restent pourtants fins, unis et clairs.
Je ressemble à ça...
Sable. Sable gris, sable blanc. Sable bleu? Non, définitivement, le ciel n'est pas fait de sable. Est-il possible d'en être certain ? Je suppose que non... comment le vérifier ? Impossible... il faut donc rester immobile. Dans l'ignorance? Non, dans l'incapacité.
Voici le genre de réflexion pouvant animer l'esprit d'Elikann. Des réflexions aboutissant toutes à ce même point fixe et attirant qu'est l'immobilité. Ses sentiments ne sont pas violents, mais n'aboutissent jamais à une décision. Son crâne n'abrite qu'une constante dispute entre les trois aspects qui composent son être, Corps, Cœur et Esprit.
Cœur est discret, presque muet. Il ne se manifeste que pour apporter une souffrance quasi systématique. Mais il est surtout occulté la plupart du temps par Corps, l'humain, qui pense avant tout au bonheur et à la survie. Rien ne lui importe sinon ces deux objectifs, et, parlant le plus fort, c'est souvent lui qui est écouté. Enfin, Esprit pense. C'est sa seule possibilité. Il invoque et révoque des questions sans réponses, créant un flux et un reflux de pensées continuel dans l'esprit d'Elikann. Il tente sans arrêt de raisonner Corps, avant de se perdre lui-même dans ses propres réflexions puis de conclure sur sa propre idiotie et de laisser les autres débattre.
Débattre. Voilà finalement la seule chose dont ils sont capables. Débattre inutilement et longuement sur toute chose, pour laisser un être incapable de prendre une décision rapidement, incapable de se décider. N'importe quel choix devient un implacable et infâme dilemme à ses yeux, le réduisant à fuir quasiment la totalité du temps.
Mais il est surtout incapable de s'attacher à quiconque. S'attacher est dangereux. S'attacher invoque la tristesse lors de la séparation. La tristesse nuit au bonheur. La tristesse doit donc être évitée. S'attacher doit donc être évité. À tout prix. Quoi qu'en dise Esprit, convaincu que ce serait "enrichissant", et quoi qu'en dise Cœur, se disant "souffrant" de la solitude, les autres devaient être évités. Corps le disait avec tant d'insistance qu'Elikann avait fini par le croire.
Ainsi c'est un être composé de dualité, dilemmes, et réflexions. Un être sage, qui ne prend aucune décision rapidement et qui est parfaitement capable de peser le pour et le contre, mais un être très peu sociable, agoraphobe, et qui réfléchit la plupart du temps beaucoup trop pour peu de choses. En résulte un être très indécis et très peu aimé, qui réprime sa souffrance et autres formes de sentiments, pour combler son bonheur à court terme et sauvegarder sa vie. Il est capable de voir les choses à long terme, mais cela le ramène sans arrêt à l'idée de sa propre mortalité, qu'il craint plus que tout. Il se ment donc à lui-même, bridant ses pensées et parant au plus pressé.
Il est connu par très peu de personnes, et entretient un mystère constant autour de lui. Mais la plupart des gens, s'arrêtant à son physique, prennent peur et ne cherchent pas à découvrir les raisons d'une telle difformité. À force de s'écarter, il a fini par prendre l'habitude de cacher le bas de son visage à l'aide du col de sa cape, rendant ainsi son visage totalement inexpressif, et moins attirant pour les curieux, désirant en apprendre plus sur cet être.
À force de temps passé avec une telle vie, il a fini par la laisser rythmée par la routine, sans y apporter réel changement, s'aidant de ce moyen pour ne plus avoir à faire de choix. Mais lorsqu'il s'abandonne au sommeil ou à la fatigue, les souvenirs de son ancienne vie lui reviennent.
Voici le genre de réflexion pouvant animer l'esprit d'Elikann. Des réflexions aboutissant toutes à ce même point fixe et attirant qu'est l'immobilité. Ses sentiments ne sont pas violents, mais n'aboutissent jamais à une décision. Son crâne n'abrite qu'une constante dispute entre les trois aspects qui composent son être, Corps, Cœur et Esprit.
Cœur est discret, presque muet. Il ne se manifeste que pour apporter une souffrance quasi systématique. Mais il est surtout occulté la plupart du temps par Corps, l'humain, qui pense avant tout au bonheur et à la survie. Rien ne lui importe sinon ces deux objectifs, et, parlant le plus fort, c'est souvent lui qui est écouté. Enfin, Esprit pense. C'est sa seule possibilité. Il invoque et révoque des questions sans réponses, créant un flux et un reflux de pensées continuel dans l'esprit d'Elikann. Il tente sans arrêt de raisonner Corps, avant de se perdre lui-même dans ses propres réflexions puis de conclure sur sa propre idiotie et de laisser les autres débattre.
Débattre. Voilà finalement la seule chose dont ils sont capables. Débattre inutilement et longuement sur toute chose, pour laisser un être incapable de prendre une décision rapidement, incapable de se décider. N'importe quel choix devient un implacable et infâme dilemme à ses yeux, le réduisant à fuir quasiment la totalité du temps.
Mais il est surtout incapable de s'attacher à quiconque. S'attacher est dangereux. S'attacher invoque la tristesse lors de la séparation. La tristesse nuit au bonheur. La tristesse doit donc être évitée. S'attacher doit donc être évité. À tout prix. Quoi qu'en dise Esprit, convaincu que ce serait "enrichissant", et quoi qu'en dise Cœur, se disant "souffrant" de la solitude, les autres devaient être évités. Corps le disait avec tant d'insistance qu'Elikann avait fini par le croire.
Ainsi c'est un être composé de dualité, dilemmes, et réflexions. Un être sage, qui ne prend aucune décision rapidement et qui est parfaitement capable de peser le pour et le contre, mais un être très peu sociable, agoraphobe, et qui réfléchit la plupart du temps beaucoup trop pour peu de choses. En résulte un être très indécis et très peu aimé, qui réprime sa souffrance et autres formes de sentiments, pour combler son bonheur à court terme et sauvegarder sa vie. Il est capable de voir les choses à long terme, mais cela le ramène sans arrêt à l'idée de sa propre mortalité, qu'il craint plus que tout. Il se ment donc à lui-même, bridant ses pensées et parant au plus pressé.
Il est connu par très peu de personnes, et entretient un mystère constant autour de lui. Mais la plupart des gens, s'arrêtant à son physique, prennent peur et ne cherchent pas à découvrir les raisons d'une telle difformité. À force de s'écarter, il a fini par prendre l'habitude de cacher le bas de son visage à l'aide du col de sa cape, rendant ainsi son visage totalement inexpressif, et moins attirant pour les curieux, désirant en apprendre plus sur cet être.
À force de temps passé avec une telle vie, il a fini par la laisser rythmée par la routine, sans y apporter réel changement, s'aidant de ce moyen pour ne plus avoir à faire de choix. Mais lorsqu'il s'abandonne au sommeil ou à la fatigue, les souvenirs de son ancienne vie lui reviennent.
Ce qui se passe dans ma tête
Son ancienne vie. À son image, elle peut être rapprochée d'erreur, ou d'horreur, ou plutôt d'une suite d'horreurs infligées à une seule personne. On ne peut pas dire que le sort s'acharnait sur lui... mais avait en quelque sorte trouvé un nouveau jouet pour sa cruauté. Pourtant, son enfance, comme beaucoup trop d'autres, est celle de n'importe quel autre enfant, à compter du fait qu'il soit un Fils du Serpent. Des parents classiques, d'une grande connaissance, élevant leur enfant dans le plus pur respect des traditions, et un frère, de six ans l'aîné, qui, revêtant possiblement le rôle de la seule anomalie dans cette partie de l'histoire, ne trouvait aucun plaisir à essayer de prouver sa supériorité sur sa fratrie (ce qui ne l'empêchait pas de le faire assez souvent pour l'exaspérer), et un lien très fort les unissait.
À douze ans, il reçut son second prénom, Uko. Ce n'est cependant pas le seul évènement qui intervint ce jour-là. En effet, durant la cérémonie, le frère d'Elikann s'évanouit. Lorsque celui-ci le releva, il aperçut avec horreur un mince filet de sang coulant de son nez. Les parents ont dû ramener les deux frères chez eux, l'un terrorisé et anxieux à s'en arracher des ongles, l'autre dans un état presque comateux. La peur gagna également le reste du foyer, face à l'impossibilité du guérisseur de faire quelque chose. Considérant que cette famille n'avait pas encore assez d'ennuis, le destin prit la fâcheuse initiative de rallonger exagérément la durée de la Saison des Tempêtes, ce qui força le frère à rester au sanctuaire durant sept longs mois, fatigué, incapable de se lever, attendant que passent les migraines, ou s'évanouissant sans arrêt, en compagnie de sa famille se lamentant de son incapacité.
Finalement, le départ de la famille sur deux chameaux eut lieu, le père transportant le cadet et la mère, l'aîné et se fit dans une belle matinée, du genre de celles qui font sourire après une longue nuit d'orages. Ce voyage, qui aurait dû se passer normalement sans accroc, ne dura même pas une demi-journée. Ici vient la première incohérence. Ici vient le premier pivot qui entraînera tous les événements de la vie d'Elikann. Les Pilleurs. Ces deux mots résonnent dans sa tête... Ces deux mots évoquant en lui la terreur, la haine et la culpabilité...
Voyage... chameaux... pause. Repas ? Calme, rires, assurance, bonheur. Sifflement. Chute. Sifflement. Chute. Cris, cris, cris, cris, cris ! Cris bestiaux, rires ! Cris, rires ! Homme. Grand, sale. Hommes. Grands, sales. Choc. Noir.
Corde. Son de corde. Crissement de corde. Poids. Feu. Chair. Feu, chair, feu chair poids, corde, feu, poids... rires, encore. Frère ? La... Laisser tomber ? Non... douleur, feu, chair, poids...
Solitude. Frère, poids. Poids, feu. Feu, chair. Poids et feu. Feu et chair. Chair et épaules. Epaules et poids. Frère et poids. Frère et... corde ? Corde et... mort ? Non... ne pas... ne pas aba...
Elikann se réveilla une heure après ces événements. La douleur de ses brûlures , dont la netteté n'était égalée que par l'atrocité de l'odeur qu'elles exhalaient, il ne s'en était pas rendu compte. Toute son attention n'était focalisée que sur ce qu'il voyait devant lui. Son frère, corde au cou, les pieds brûlés, cette vision restera à jamais gravée dans ses yeux. Mais lorsque l'incompréhension céda à la peur, une peur aussi incontrôlée qu'incontrôlable, il se retourna, n'ayant qu'un seul besoin, qu'une seule idée, la fuite. Vers où? Partout, partout et nulle part.
Mais à la fuite causée par la terreur suivit la marche longue, et lourde, uniquement marquée par les relents de plus en plus horribles que dégageaient ses blessures. Pourtant, cela n'occuppait pas l'esprit d'Elikann. En fait, rien ne l'habitait. Dans son esprit, aucune pensée, aucune idée, aucun mot, aucune lettre, mais une image, fixe, qui chassait la fatigue, la douleur et la soif. À la fuite succède la marche, et, au crépuscule, lui succède la chute.
Des voix. Plus douces que les Cris, des voix. Pas de sifflement? De simples voix donc. De simples voix, qui, bien qu'inintelligibles, évoquent clairement la surprise, un soupçon de peur, et autres impressions confuses. Elikann se sentit soulevé, transporté. Il ne pensait plus à rien, l'image, le désert, sa famille, tout avait disparu, comme si rien n'avait jamais été. Rien. Il n'était pas là. Ni là, ni ailleurs, ni où que ce soit. Il n'était pas lui. Ni lui-même, ni qui que ce soit d'autre. Si, il était quelqu'un. Quelqu'un, vraiment? Non, quelque chose. Quelque chose de diffus, plus obscur qu'une notion, plus obscure que les pensées.
Lentement, les pensées reviennent. La mémoire, suivant juste après. Amortie, arrivant doucement, langoureusement, des plus anciens souvenirs au choc. Bouleversement. Tout tangue, tout se perturbe. Choc. L'esprit titube. Choc. Avec le choc, une voix. Pourquoi revenir? Que reste-t-il? Rien, tout est baigné d'une lumière sombre. Blanc dans le noir. Gris.
Et ainsi, Elikann se réveilla, à compter que l'on puisse donner le nom de réveil à l'accumulation d'incompréhensions qui revinrent à son esprit, qui n'avait pas pensé depuis bien trop longtemps. Un afflux constant de questions, sans réponses, ou de pensées sans but, qui aboutissent toutes à ce même souvenir. Une minute. Pendant une minute, il réussit à contrôler son esprit. Puis vint une avalanche de terreur, le forçant à nier la réalité avec une violence inouïe, bousculant son esprit, déséquilibrant tout ce qu'il avait pu réussir à rassembler. Son souffle devint court, sa respiration, saccadée, et il commença à se convulser violemment sur là où il avait été allongé.
Advint alors quelque chose d'inattendu, et dont l'idée ne serait jamais venue à l'esprit tourmenté d'Elikann. Une sensation douce, un petit corps chaud enserrant le sien, évitant ses épaules blessées. Aussi effrayé qu'étonné, il ouvrit brutalement les paupières. Il était dans une tente, allongé, et aperçut très brièvement les restes d'un feu et deux adultes dormant côte à côte. Mais il aperçut également, contre lui, une chevelure noire, et, émergeants sous une couche de tissu bleu, deux bras fins enserrant sa taille. Etrangement, il ne se sentait plus effrayé. Peu à peu, son agitation cessa, mais son rythme cardiaque resta saccadé. Le manque crucial de luminosité l'empêcha cependant de définir avec précision l'endroit où il se trouvait. Mais, quand bien même aurait-il pu, toute son attention était focalisée sur la jeune fille, qui ne desserrait pas son étreinte.
Faute de vouloir la réveiller, Elikann dut rester allongé, restant dans l'incompréhension de sa situation. Finalement, s'étant calmé, mais se sentant extrêmement fatigué, il sombra dans un sommeil peu reposant, que l'on peut résumer en une suite de rêves incompréhensibles. Il refit surface quelques trois heures plus tard, et s'aperçut avec étonnement que la fille, loin d'être partie, s'était lovée contre lui, appuyant doucement sa tête contre sa poitrine. La douleur qu'il ressentait aux épaules avait nettement diminuée, mais il se sentait encore extrêmement faible. La lumière étant plus élevée, il observa avec attention l'intérieur de la tente, et, lorsqu'il se tourna vers la gauche, il aperçut l'un des adultes qu'il avait vu dormir peu avant, un homme lui faisant signe d'approcher et de faire silence. Prudemment, il se dégagea de la jeune fille et se leva, et faillit tomber. Il était beaucoup plus faible qu'il ne le pensait.
Toujours silencieusement, l'homme lui intima de s'asseoir, lui tendant un petit pot en argile, rempli d'un liquide chaud exhalant une odeur particulière, mais pas désagréable. Il sortit, ensuite, après avoir fait comprendre à Elikann qu'il valait mieux pour lui de ne pas sortir. Mais lorsqu'il tenta de boire ce que l'on venait de lui donner, il faillit pousser un cri de douleur, et comprit que pour le moment, bouger les épaules ne serait pas possible. Incapable de pouvoir boire, il dut donc attendre, mais peu de temps, la petite fille s'étant levée derrière lui pour s'asseoir devant lui. Elle lui prit les mains et l'aida à boire une gorgée. C'était chaud, légèrement sucré, mais également assez amer. S'ensuivit un dialogue assez étrange, Elikann n'osant répondre que par simples mots aux nombreuses questions qui lui étaient posées, tout en buvant cette étrange boisson. Finalement, elle ne put savoir clairement qu'une seule chose de lui, son deuxième prénom.
Il s'avéra plus tard que cette jeune fille, Kal, unique enfant de la famille des Lulo, l'avait retrouvé, et a averti sa famille, le sauvant d'une mort lente et douloureuse dans le désert. Ils passèrent ainsi un an en compagnie de ses parents, faisant très peu à très peu connaissance, et Elikann se rétablissant presque aussi lentement. Mais quel que soit le temps qu'il patienterait, il savait que ses trois cicatrices ne disparaitraient jamais, et en dernier celle de son esprit. Tout ceci se termina quand, après douze longs mois de voyage, les Lulo arrivèrent au campement des Fils du Serpent. Adieux longs, mais maladroits, les deux enfants n'ayant aucune idée de la façon dont pouvait se dérouler des au revoirs sincères.
C'est ici que tout aurait dû rentrer dans l'ordre. Elikann, recueuilli par son clan après avoir perdu sa famille, aurait dû pouvoir passer le restant de sa vie heureux. Mais le destin, l'ordre et l'univers en décidèrent autrement. À peine était-il de retour, et les Lulo déjà loin, qu'il sentait déjà un mal arriver. Celui-ci vint sous la forme d'un vieillard. Décharné, presque plus maigre que haut, un visage qui fatiguerait n'importe qui le regarderait, et deux yeux gris, écarquillés.
C'était un prêtre, si ancien et si savant qu'il était respecté et écouté de tous dans le clan. Et ce jour-là, il criait, l'air fou, que dès l'instant où il L'aurait trouvé, il partirait, le plus loin possible. Personne n'avait deviné de qui il parlait, et l'on supposait que lui-même ne le savait plus. Toutefois, Son identité devint claire à ses yeux, lorsqu'il posa les siens sur Elikann. Le cri qu'il poussa alors, qui devait être un cri de joie, effraya tous ceux qui l'ont entendu, et pour cause ; ce cri n'était pas celui d'un homme, mais d'une créature sombre, horrible, au timbre de voix plus aigü qu'imaginable, et impossible à ignorer. Ce cri précédait une suite de sauts et d'autres cris plus faibles, puis le vieil homme se rapprocha. Son air fou était encore plus marqué qu'au quotidien, les traits de son visage étaient tirés, et ses yeux plus exorbités que jamais.
Mais Elikann n'avait pas encore compris ce qui lui arriverait. Le doigt pointé sur lui le fit alors réagir. Quoi qu'il eut fait, il ne voulait plus rester un instant de plus avec le vieillard. Lorsqu'il essaya de partir, le Fils du Serpent le plus proche de lui le retint par le bras. La frayeur commençait à l'envahir. Il n'en connaissait pas la raison, mais cette situation ne lui inspirait aucune confiance. Il perçut vaguement une conversation, mais ne parvint pas à en saisir le sens.
Combien de temps resta-t-il ainsi, immobile, incapable de faire réagir son corps ou ses sens ? Une quinzaine de minutes, tout au plus, mais il ne le sut jamais. Il se sentit pris par le bras et emmené. Il refit à peu près surface quelques minutes plus tard. Il était arrivé sans savoir comment dans un coin du campement, seul. Lorsqu'il tenta de se lever, il sentit une solide main s'abattre sur son dos. Le vieillard venait apparemment d'arriver derrière lui, transportant une étrange sacoche et un énorme sac. Il sortit alors un étrange flacon de celle-ci, contenant un liquide d'un gris opaque. Elikann le vit en avaler une gorgée puis pencher rapidement la fiole vers sa bouche. Quand il réalisa qu'il était en train de boire malgré lui, il était trop tard.
Ce n'était pas mauvais, ce n'était pas amer, ce n'était pas sucré. Le goût était... extrêmement étrange. Mais quand il eut fini d'ingurgiter la totalité de l'étrange liquide, tout devint clair. Il devait partir. Partir avec le vieil homme. Où? Là-bas. Pourquoi? Il le devait. Il cessa de se débattre, et prit le sac sur ses épaules. Il n'eut aucun mal à le soulever, aucun mal à le porter, et aucune douleur malgré le poids sur ses épaules. Le paysage autour de lui lui parut alors assez flou, mais sa destination restait claire. Il marchait, vite, comme si le sable n'avait aucune possibilité de le ralentir, comme si le poids sur son dos était inexistant.
Ainsi passa le temps. Quel temps? Comment le savoir? Rien ne changeait, le sable était le sable, et la marche était la marche. La nuit n'était rien, le jour, rien de plus. C'est au bout d'une dizaine, d'une centaine, peut-être d'un millier de cycles, que le temps sembla revenir. Lentement, langoureusement, comme s'il tenait à ce que la conscience des deux voyageurs reviennent peu à peu, sous la forme du manque. Un manque, un besoin, s'amplifiant avec le temps.
Elikann, bien qu'il était toujours dans l'ignorance de ce que cela pouvait être, avait envie de boire à nouveau l'étrange liquide. C'était plus fort que lui, plus fort que l'humain qui l'était, comme si le besoin dépassait sa propre conscience pour créer une atroce dépendance. Le temps passant, sa conscience revenait peu à peu. Il commençait à se demander comment il avait pu marcher si aveuglément, mais au fur et à mesure que la centaine de questions sans réponses venait à son crâne, celui-ci était d'autant plus victime du besoin, implacable, de boire à nouveau. Il ne sut pas pourquoi, mais le vieil homme exécuta son désir, faisant ainsi disparaître la douleur qui commençait étrangement à poindre sur ses épaules, et la fatigue, bien que celle-ci était déjà vraiment discrète.
Tout montait, tout descendait, tout glissait. L'objectif disparaissait, ne restait que le but. Le but de marcher. Le sable s'agitait, comme enragé, tout autour. Tout l'horizon, le sol et le ciel devinrent sable. Tout devint sombre, chaud, violent et rapide. Quand le désert sembla se calmer, un seul marchait. Elikann, désormais sans aide et sans la possibilité de boire cette boisson à nouveau, marchait, comme il l'avait toujours fait.
Au bout de plusieurs jours, la conscience, la douleur et le fatigue revinrent. Son esprit, devint une tempête de questions, floues, presque insensées, et son crâne se mit à abriter une souffrance permanente. Le besoin se faisait de plus en plus ressentir.
C'est à ce moment-là qu'Elikann retrouva, cachée dans ses vêtements, une petite fiole, dans laquelle il ne devait rester qu'une gorgée. Il s'empressa de la déboucher et de la lever vers sa bouche, mais interrompit finalement son geste. Fallait-il vraiment boire? Etait-ce vraiment la solution pour mettre fin à la douleur? Oui, ainsi il pourrait marcher plusieurs jours, tout irait bien. Mais au bout de ces jours, la douleur ne reviendra-t-elle pas? Impossible d'en être certain. Il faut donc boire. Boire? On ne savait même pas ce qui composait cette étrange boisson. Mais elle faisait disparaître le mal! Elle permettrait d'atteindre la Destination! Non, plutôt que de boire, ne valait-il mieux pas courir?
Et Elikann courut, apeuré, dérouté, la fiole dans sa main, trébuchant, tombant. Au bout de six jours, il chuta définitivement. Concentrant toute sa force pour lever les yeux, il vit quelque chose. Quelque chose de droit, brisant l'horizon. Quelque chose de sombre, grandissant peu à peu. Un hu...main? Il sombra, ayant comme dernier souvenir, le bruit de la fiole se brisant sous lui.
En réalité, Elikann et le vieillard n'étaient jamais parti loin. À peine avaient-ils parcouru une dizaine de kilomètres en s'éloignant du camp. Cependant, ils en avaient parcouru des centaines, étant donné leur nombre d'aller-retour. Mais pouvoir marcher autant, sans être fatigué ou ressentir la douleur, n'était pas sans conséquence. Maintenant, Elikann se tenait constamment courbé, et ses yeux avaient pris l'affreux teint de ceux du vieillard, en encore plus clair. Il avait incroyablement maigri mais sa taille était anormalement grande. Mais surtout, ses réflexions étaient devenues extrêmement étranges, très ressemblantes à celle qui avait animé son esprit quand il dut choisir de boire ou non. Ainsi, il resta dans le campement, parmi les siens, détruit, incapable d'accorder sa confiance à quiconque, mais en respectant tout de même les coutumes de son peuple. À dix-huit ans donc, il reçut son troisième prénom, qui ne dut être prononcé qu'une simple fois en dehors de la cérémonie. Il suivit les autres, pria avec eux, et dormit avec eux. Lorsque le Sommeil se termina, il fut étonné, comme tous, de tous les changements de cette nouvelle époque, mais sa vie ne fut pas vraiment impactée.
Le temps passait, peu importait. Bouger était dangereux. S'attacher était dangereux. Il fallait donc attendre, attendre que le monde avance seul. Attendre, peut-être attendre la mort? Peut-être était-ce cela, le Vrai?
À douze ans, il reçut son second prénom, Uko. Ce n'est cependant pas le seul évènement qui intervint ce jour-là. En effet, durant la cérémonie, le frère d'Elikann s'évanouit. Lorsque celui-ci le releva, il aperçut avec horreur un mince filet de sang coulant de son nez. Les parents ont dû ramener les deux frères chez eux, l'un terrorisé et anxieux à s'en arracher des ongles, l'autre dans un état presque comateux. La peur gagna également le reste du foyer, face à l'impossibilité du guérisseur de faire quelque chose. Considérant que cette famille n'avait pas encore assez d'ennuis, le destin prit la fâcheuse initiative de rallonger exagérément la durée de la Saison des Tempêtes, ce qui força le frère à rester au sanctuaire durant sept longs mois, fatigué, incapable de se lever, attendant que passent les migraines, ou s'évanouissant sans arrêt, en compagnie de sa famille se lamentant de son incapacité.
Finalement, le départ de la famille sur deux chameaux eut lieu, le père transportant le cadet et la mère, l'aîné et se fit dans une belle matinée, du genre de celles qui font sourire après une longue nuit d'orages. Ce voyage, qui aurait dû se passer normalement sans accroc, ne dura même pas une demi-journée. Ici vient la première incohérence. Ici vient le premier pivot qui entraînera tous les événements de la vie d'Elikann. Les Pilleurs. Ces deux mots résonnent dans sa tête... Ces deux mots évoquant en lui la terreur, la haine et la culpabilité...
Voyage... chameaux... pause. Repas ? Calme, rires, assurance, bonheur. Sifflement. Chute. Sifflement. Chute. Cris, cris, cris, cris, cris ! Cris bestiaux, rires ! Cris, rires ! Homme. Grand, sale. Hommes. Grands, sales. Choc. Noir.
Corde. Son de corde. Crissement de corde. Poids. Feu. Chair. Feu, chair, feu chair poids, corde, feu, poids... rires, encore. Frère ? La... Laisser tomber ? Non... douleur, feu, chair, poids...
Solitude. Frère, poids. Poids, feu. Feu, chair. Poids et feu. Feu et chair. Chair et épaules. Epaules et poids. Frère et poids. Frère et... corde ? Corde et... mort ? Non... ne pas... ne pas aba...
Elikann se réveilla une heure après ces événements. La douleur de ses brûlures , dont la netteté n'était égalée que par l'atrocité de l'odeur qu'elles exhalaient, il ne s'en était pas rendu compte. Toute son attention n'était focalisée que sur ce qu'il voyait devant lui. Son frère, corde au cou, les pieds brûlés, cette vision restera à jamais gravée dans ses yeux. Mais lorsque l'incompréhension céda à la peur, une peur aussi incontrôlée qu'incontrôlable, il se retourna, n'ayant qu'un seul besoin, qu'une seule idée, la fuite. Vers où? Partout, partout et nulle part.
Mais à la fuite causée par la terreur suivit la marche longue, et lourde, uniquement marquée par les relents de plus en plus horribles que dégageaient ses blessures. Pourtant, cela n'occuppait pas l'esprit d'Elikann. En fait, rien ne l'habitait. Dans son esprit, aucune pensée, aucune idée, aucun mot, aucune lettre, mais une image, fixe, qui chassait la fatigue, la douleur et la soif. À la fuite succède la marche, et, au crépuscule, lui succède la chute.
Des voix. Plus douces que les Cris, des voix. Pas de sifflement? De simples voix donc. De simples voix, qui, bien qu'inintelligibles, évoquent clairement la surprise, un soupçon de peur, et autres impressions confuses. Elikann se sentit soulevé, transporté. Il ne pensait plus à rien, l'image, le désert, sa famille, tout avait disparu, comme si rien n'avait jamais été. Rien. Il n'était pas là. Ni là, ni ailleurs, ni où que ce soit. Il n'était pas lui. Ni lui-même, ni qui que ce soit d'autre. Si, il était quelqu'un. Quelqu'un, vraiment? Non, quelque chose. Quelque chose de diffus, plus obscur qu'une notion, plus obscure que les pensées.
Lentement, les pensées reviennent. La mémoire, suivant juste après. Amortie, arrivant doucement, langoureusement, des plus anciens souvenirs au choc. Bouleversement. Tout tangue, tout se perturbe. Choc. L'esprit titube. Choc. Avec le choc, une voix. Pourquoi revenir? Que reste-t-il? Rien, tout est baigné d'une lumière sombre. Blanc dans le noir. Gris.
Et ainsi, Elikann se réveilla, à compter que l'on puisse donner le nom de réveil à l'accumulation d'incompréhensions qui revinrent à son esprit, qui n'avait pas pensé depuis bien trop longtemps. Un afflux constant de questions, sans réponses, ou de pensées sans but, qui aboutissent toutes à ce même souvenir. Une minute. Pendant une minute, il réussit à contrôler son esprit. Puis vint une avalanche de terreur, le forçant à nier la réalité avec une violence inouïe, bousculant son esprit, déséquilibrant tout ce qu'il avait pu réussir à rassembler. Son souffle devint court, sa respiration, saccadée, et il commença à se convulser violemment sur là où il avait été allongé.
Advint alors quelque chose d'inattendu, et dont l'idée ne serait jamais venue à l'esprit tourmenté d'Elikann. Une sensation douce, un petit corps chaud enserrant le sien, évitant ses épaules blessées. Aussi effrayé qu'étonné, il ouvrit brutalement les paupières. Il était dans une tente, allongé, et aperçut très brièvement les restes d'un feu et deux adultes dormant côte à côte. Mais il aperçut également, contre lui, une chevelure noire, et, émergeants sous une couche de tissu bleu, deux bras fins enserrant sa taille. Etrangement, il ne se sentait plus effrayé. Peu à peu, son agitation cessa, mais son rythme cardiaque resta saccadé. Le manque crucial de luminosité l'empêcha cependant de définir avec précision l'endroit où il se trouvait. Mais, quand bien même aurait-il pu, toute son attention était focalisée sur la jeune fille, qui ne desserrait pas son étreinte.
Faute de vouloir la réveiller, Elikann dut rester allongé, restant dans l'incompréhension de sa situation. Finalement, s'étant calmé, mais se sentant extrêmement fatigué, il sombra dans un sommeil peu reposant, que l'on peut résumer en une suite de rêves incompréhensibles. Il refit surface quelques trois heures plus tard, et s'aperçut avec étonnement que la fille, loin d'être partie, s'était lovée contre lui, appuyant doucement sa tête contre sa poitrine. La douleur qu'il ressentait aux épaules avait nettement diminuée, mais il se sentait encore extrêmement faible. La lumière étant plus élevée, il observa avec attention l'intérieur de la tente, et, lorsqu'il se tourna vers la gauche, il aperçut l'un des adultes qu'il avait vu dormir peu avant, un homme lui faisant signe d'approcher et de faire silence. Prudemment, il se dégagea de la jeune fille et se leva, et faillit tomber. Il était beaucoup plus faible qu'il ne le pensait.
Toujours silencieusement, l'homme lui intima de s'asseoir, lui tendant un petit pot en argile, rempli d'un liquide chaud exhalant une odeur particulière, mais pas désagréable. Il sortit, ensuite, après avoir fait comprendre à Elikann qu'il valait mieux pour lui de ne pas sortir. Mais lorsqu'il tenta de boire ce que l'on venait de lui donner, il faillit pousser un cri de douleur, et comprit que pour le moment, bouger les épaules ne serait pas possible. Incapable de pouvoir boire, il dut donc attendre, mais peu de temps, la petite fille s'étant levée derrière lui pour s'asseoir devant lui. Elle lui prit les mains et l'aida à boire une gorgée. C'était chaud, légèrement sucré, mais également assez amer. S'ensuivit un dialogue assez étrange, Elikann n'osant répondre que par simples mots aux nombreuses questions qui lui étaient posées, tout en buvant cette étrange boisson. Finalement, elle ne put savoir clairement qu'une seule chose de lui, son deuxième prénom.
Il s'avéra plus tard que cette jeune fille, Kal, unique enfant de la famille des Lulo, l'avait retrouvé, et a averti sa famille, le sauvant d'une mort lente et douloureuse dans le désert. Ils passèrent ainsi un an en compagnie de ses parents, faisant très peu à très peu connaissance, et Elikann se rétablissant presque aussi lentement. Mais quel que soit le temps qu'il patienterait, il savait que ses trois cicatrices ne disparaitraient jamais, et en dernier celle de son esprit. Tout ceci se termina quand, après douze longs mois de voyage, les Lulo arrivèrent au campement des Fils du Serpent. Adieux longs, mais maladroits, les deux enfants n'ayant aucune idée de la façon dont pouvait se dérouler des au revoirs sincères.
C'est ici que tout aurait dû rentrer dans l'ordre. Elikann, recueuilli par son clan après avoir perdu sa famille, aurait dû pouvoir passer le restant de sa vie heureux. Mais le destin, l'ordre et l'univers en décidèrent autrement. À peine était-il de retour, et les Lulo déjà loin, qu'il sentait déjà un mal arriver. Celui-ci vint sous la forme d'un vieillard. Décharné, presque plus maigre que haut, un visage qui fatiguerait n'importe qui le regarderait, et deux yeux gris, écarquillés.
C'était un prêtre, si ancien et si savant qu'il était respecté et écouté de tous dans le clan. Et ce jour-là, il criait, l'air fou, que dès l'instant où il L'aurait trouvé, il partirait, le plus loin possible. Personne n'avait deviné de qui il parlait, et l'on supposait que lui-même ne le savait plus. Toutefois, Son identité devint claire à ses yeux, lorsqu'il posa les siens sur Elikann. Le cri qu'il poussa alors, qui devait être un cri de joie, effraya tous ceux qui l'ont entendu, et pour cause ; ce cri n'était pas celui d'un homme, mais d'une créature sombre, horrible, au timbre de voix plus aigü qu'imaginable, et impossible à ignorer. Ce cri précédait une suite de sauts et d'autres cris plus faibles, puis le vieil homme se rapprocha. Son air fou était encore plus marqué qu'au quotidien, les traits de son visage étaient tirés, et ses yeux plus exorbités que jamais.
Mais Elikann n'avait pas encore compris ce qui lui arriverait. Le doigt pointé sur lui le fit alors réagir. Quoi qu'il eut fait, il ne voulait plus rester un instant de plus avec le vieillard. Lorsqu'il essaya de partir, le Fils du Serpent le plus proche de lui le retint par le bras. La frayeur commençait à l'envahir. Il n'en connaissait pas la raison, mais cette situation ne lui inspirait aucune confiance. Il perçut vaguement une conversation, mais ne parvint pas à en saisir le sens.
Combien de temps resta-t-il ainsi, immobile, incapable de faire réagir son corps ou ses sens ? Une quinzaine de minutes, tout au plus, mais il ne le sut jamais. Il se sentit pris par le bras et emmené. Il refit à peu près surface quelques minutes plus tard. Il était arrivé sans savoir comment dans un coin du campement, seul. Lorsqu'il tenta de se lever, il sentit une solide main s'abattre sur son dos. Le vieillard venait apparemment d'arriver derrière lui, transportant une étrange sacoche et un énorme sac. Il sortit alors un étrange flacon de celle-ci, contenant un liquide d'un gris opaque. Elikann le vit en avaler une gorgée puis pencher rapidement la fiole vers sa bouche. Quand il réalisa qu'il était en train de boire malgré lui, il était trop tard.
Ce n'était pas mauvais, ce n'était pas amer, ce n'était pas sucré. Le goût était... extrêmement étrange. Mais quand il eut fini d'ingurgiter la totalité de l'étrange liquide, tout devint clair. Il devait partir. Partir avec le vieil homme. Où? Là-bas. Pourquoi? Il le devait. Il cessa de se débattre, et prit le sac sur ses épaules. Il n'eut aucun mal à le soulever, aucun mal à le porter, et aucune douleur malgré le poids sur ses épaules. Le paysage autour de lui lui parut alors assez flou, mais sa destination restait claire. Il marchait, vite, comme si le sable n'avait aucune possibilité de le ralentir, comme si le poids sur son dos était inexistant.
Ainsi passa le temps. Quel temps? Comment le savoir? Rien ne changeait, le sable était le sable, et la marche était la marche. La nuit n'était rien, le jour, rien de plus. C'est au bout d'une dizaine, d'une centaine, peut-être d'un millier de cycles, que le temps sembla revenir. Lentement, langoureusement, comme s'il tenait à ce que la conscience des deux voyageurs reviennent peu à peu, sous la forme du manque. Un manque, un besoin, s'amplifiant avec le temps.
Elikann, bien qu'il était toujours dans l'ignorance de ce que cela pouvait être, avait envie de boire à nouveau l'étrange liquide. C'était plus fort que lui, plus fort que l'humain qui l'était, comme si le besoin dépassait sa propre conscience pour créer une atroce dépendance. Le temps passant, sa conscience revenait peu à peu. Il commençait à se demander comment il avait pu marcher si aveuglément, mais au fur et à mesure que la centaine de questions sans réponses venait à son crâne, celui-ci était d'autant plus victime du besoin, implacable, de boire à nouveau. Il ne sut pas pourquoi, mais le vieil homme exécuta son désir, faisant ainsi disparaître la douleur qui commençait étrangement à poindre sur ses épaules, et la fatigue, bien que celle-ci était déjà vraiment discrète.
Tout montait, tout descendait, tout glissait. L'objectif disparaissait, ne restait que le but. Le but de marcher. Le sable s'agitait, comme enragé, tout autour. Tout l'horizon, le sol et le ciel devinrent sable. Tout devint sombre, chaud, violent et rapide. Quand le désert sembla se calmer, un seul marchait. Elikann, désormais sans aide et sans la possibilité de boire cette boisson à nouveau, marchait, comme il l'avait toujours fait.
Au bout de plusieurs jours, la conscience, la douleur et le fatigue revinrent. Son esprit, devint une tempête de questions, floues, presque insensées, et son crâne se mit à abriter une souffrance permanente. Le besoin se faisait de plus en plus ressentir.
C'est à ce moment-là qu'Elikann retrouva, cachée dans ses vêtements, une petite fiole, dans laquelle il ne devait rester qu'une gorgée. Il s'empressa de la déboucher et de la lever vers sa bouche, mais interrompit finalement son geste. Fallait-il vraiment boire? Etait-ce vraiment la solution pour mettre fin à la douleur? Oui, ainsi il pourrait marcher plusieurs jours, tout irait bien. Mais au bout de ces jours, la douleur ne reviendra-t-elle pas? Impossible d'en être certain. Il faut donc boire. Boire? On ne savait même pas ce qui composait cette étrange boisson. Mais elle faisait disparaître le mal! Elle permettrait d'atteindre la Destination! Non, plutôt que de boire, ne valait-il mieux pas courir?
Et Elikann courut, apeuré, dérouté, la fiole dans sa main, trébuchant, tombant. Au bout de six jours, il chuta définitivement. Concentrant toute sa force pour lever les yeux, il vit quelque chose. Quelque chose de droit, brisant l'horizon. Quelque chose de sombre, grandissant peu à peu. Un hu...main? Il sombra, ayant comme dernier souvenir, le bruit de la fiole se brisant sous lui.
En réalité, Elikann et le vieillard n'étaient jamais parti loin. À peine avaient-ils parcouru une dizaine de kilomètres en s'éloignant du camp. Cependant, ils en avaient parcouru des centaines, étant donné leur nombre d'aller-retour. Mais pouvoir marcher autant, sans être fatigué ou ressentir la douleur, n'était pas sans conséquence. Maintenant, Elikann se tenait constamment courbé, et ses yeux avaient pris l'affreux teint de ceux du vieillard, en encore plus clair. Il avait incroyablement maigri mais sa taille était anormalement grande. Mais surtout, ses réflexions étaient devenues extrêmement étranges, très ressemblantes à celle qui avait animé son esprit quand il dut choisir de boire ou non. Ainsi, il resta dans le campement, parmi les siens, détruit, incapable d'accorder sa confiance à quiconque, mais en respectant tout de même les coutumes de son peuple. À dix-huit ans donc, il reçut son troisième prénom, qui ne dut être prononcé qu'une simple fois en dehors de la cérémonie. Il suivit les autres, pria avec eux, et dormit avec eux. Lorsque le Sommeil se termina, il fut étonné, comme tous, de tous les changements de cette nouvelle époque, mais sa vie ne fut pas vraiment impactée.
Le temps passait, peu importait. Bouger était dangereux. S'attacher était dangereux. Il fallait donc attendre, attendre que le monde avance seul. Attendre, peut-être attendre la mort? Peut-être était-ce cela, le Vrai?
L'histoire de ma vie
HRP
Dans la réalité je suis...
► Pseudo(s) fréquent(s): Lykann, et autres dérivés.
► Tu as quel âge? Aucune idée.
► Tu nous a trouvé où ? Lors d'une soirée trop arrosée, j'ai perdu à un pari et... /sbam/ Nan, merci Ykaem.
► Comment tu trouve le forum? Traumatisant?
► T'as un autre compte? Lequel? Normalement non.
► T'as pas un truc à nous dire hein? Nope.
► Code du règlement: Mangé par le casse-cou du TIF
► Tu as quel âge? Aucune idée.
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Code de Frosty Blue de Never Utopia
Dernière édition par Elikann Mu'Sajeb le Dim 25 Jan - 12:56, édité 20 fois