Des rapaces et des camélidés

Klog avait été réveillée par le froid du désert. Elle ressentait le vide qui avait grandi jusqu’à devenir familier, quotidien, du sommeil sans rêve. Elle se leva tout de suite. C’était le moyen le plus rapide et efficace de se réchauffer, mais aussi de ne pas laisser les brumes des souvenirs du Rêve – faux souvenirs, rien n’était vrai, rien ne comptait – l’atteindre. Elle s’emmitoufla dans un grand châle coloré, et réveilla Tunuo.

Elle se sentait plutôt bien pourtant, elle arrivait à ne pas trébucher, mais Nililo devait avoir raison : elle ne pouvait plus se passer de Tunuo.

La chamelle posa sa grosse tête sur son épaule, agrippant ses cheveux. Elle dégagea doucement l’animal. Elle essaya de lui verser de l’eau, mais elle se rendit compte après coup que sa gourde était vide, et qu’elle ne pouvait verser que de l’air.

Cette réalisation la glaça. La gestion des stocks d’eaux, c’était une connaissance de base dans un désert. C’était vital, et elle avait échoué, et c’était un déshonneur, et personne ne devait savoir. L’eau. L’eau transparente et rieuse comme un joyeux, les gouttes rondes comme des perles.

Son estomac se serra, lacéré par une vague de malheur et de dégoût. Tunuo se recoucha à coté d’elle, heurtant son flanc.

Elle se secoua, prit place sur l’animal, et la mena vers le reste du troupeau.

Il était encore plus tôt que d’habitude, mais ses bêtes étaient habituées à des horaires un peu irréguliers, et c’était pour elles plus de temps encore à se faire soigner.

Les gourdes d’eau réparties sur et pour son troupeau étaient parfaitement pleines, leurs surfaces bombées et gonflées par le liquide, comme un fruit, comme l’image d’abondance parfaite qu’elle maintenait.

Elle pensa à la surface bombée et irisée des perles de son rêve.
Elle voulu ne pas penser à la surface bombée et irisée du dôme surnaturelle de la ville. A sa sœur disparaissant vers l’oasis immense.

Tunuo s’était approchée pour boire avec les autres.
Les gourdes étaient suffisamment pleines pour assurer un imprévus.
Mais Tunuo n’était pas un imprévu, et son sang glacé ne voulait pas se réchauffer.

Klog soupira. Son troupeau était devant elle, elle savait quoi faire.
Elle s’avança parmi les bêtes sans faire de bruit.

Elle avait trait les femelles qui en avait besoin, nourrit les plus jeunes. Il lui restait les blessures, les maladies et l’entretient des bêtes. Le soleil commençait tout juste à faire pâlir le ciel.

Klog remonta sur Tunuo. Du dos de sa monture, elle voyait mieux les bêtes qui avaient besoin de soin, ou simplement celles qui étaient sales. Elle allait aussi plus vite d’une bête à l’autre.

Même si elle était dans un bon jour, qu’elle pouvait marcher normalement sans essayer d’agiter les jambes de manières grotesque…

Le troupeau était sa priorité. Tunuo serait encore là demain. Elle scruta le troupeau éparpillé devant elle.

“-Pardon de vous déranger, je cherche Klog Mu’Arjin… A moins que vous soyez Klog Mu’Arjin?”

C’était une petite enfant, avec des provisions dans les bras et l’air encore un peu endormie qui l’interpellait comme ça. Vêtue de rouge, noir et or, elle venait sûrement louer un chameau pour sa famille, mais Klog ne la reconnaissait pas. Elle aurait préféré avoir à faire directement à l’adulte, pour une première location. Elle se tint très droite sur Tunuo, sans descendre de son dos.
Klog. Venant d’une enfant, qu’elle ne connaissait même pas. Elle n’était ordinairement pas très chatouilleuse sur les titres – longs, pas très pratiques ou directs – mais elle aimait que l’on l’appelle par son nom d’adulte, au moins pour le commerce. Elle en était fière.

« Dabok Mu’Arjin. C’est moi. Fille de Jaer Mu’Arjin et Shirya Mu’Jastih, et héritière de leur troupeau. Qu’est ce que tu veux ? » demanda-t-elle, un peu raide.

Elle remit son châle en place, en s'en voulant un peu d'avoir été aussi sèche avec la jeune fille.

“Pardonnez-moi, je me suis trompée ! » s’exclama l’enfant. Klog secoua la tête et sourit. La fille jeta un regard nerveux au troupeau.

« C’est pas si grave » assura Klog. « Dis moi qui tu es, toi ? » interrogea-t-elle. La jeune fille se justifiait maladroitement.

“Je suis désoler de vous déranger, je voudrais louer un de vos chameau pour aller jusqu’au montagne, mais je ne sais pas… enfin comment m’organiser…” tentai-je d’expliquer.

Klog gratouilla le crâne de Tunuo en attendant que la fille finisse de parler.

« Pas de panique, c’est mon métier ! Elles sont à quelle distance les montagnes où tu veux aller, elle va durer combien de temps ton expédition ? Tu vas aller sur quel sol ? Accidenté ou en suivant les pistes ? Tu as suffisamment de vivres pour toi ? Y a personne pour t'accompagner ? Tu es familière avec les chameaux ?»