Sa voisine de tente, une adorable femme toujours entourée de jeunes enfants pendant la journée l'invita d'un ample geste du bras à partager son repas. Elle avait pris l'habitude d'en garder un peu pour Ykaem, qu'elle avait pris en sympathie. Mais aujourd'hui, la nomade avait des choses à aller récupérer au bazar, ayant soigné un très riche négociant, elle déclina donc d'un signe de tête la proposition. La femme sourit, habituée aux réponses muettes de la guérisseuse, ainsi qu'à ses horaires... Pas très régulières.
Autour d'elle, les tentes se clairsemaient de plus en plus. Sortie du campement, elle rabattit sur sa tête l’épaisse capuche, se courba sur son bâton. C'était un déguisement, une sécurité dans la zone pas toujours sûre, mais éternellement agitée du bazar, mais si elle devait être honnête, elle devait admettre qu'elle s'appuyait de plus en plus réellement dessus.
Elle arriva dans l'espace coloré du marché. C'était toujours un choc. Tout était foisonnant, coloré, mouvant, abondant. Le sable ocre s’infiltrait partout, mais au sol, il n'était plus visible, caché par la multitude de tapis, d’étoffe, de planches de bois. Les épices et les herbes rares du désert donnaient à l'endroit une odeur faussement familière, teintée de l'odeur forte de métal entrechoqué, échauffé, des pièces passant de mains en mains, l'odeur acidulée et étrangère des produits de 1400. Certaines zones étaient couverte de tentures atténuant la lumière trop forte du soleil. Le bruit était assommant, certaines négociations se faisait en hurlant, tant par colère que pour entendre l'interlocuteur.
Ykaem passa d'abord le seuil d'une tente, où une structure technologique amoindrissait le bruit et refroidissait l'air. Elle repoussa sa capuche, rangea son bâton, savourant avec bonheur l'air froid courant sur son visage, même si elle savait qu'une fois sortie, la frappe incessante de la chaleur n'en serait que plus impitoyable. Elle dévisagea le groupe, assis sur des chaises, attendant ses services et soupira. Ils étaient tous riches, et n'aurait rien à lui apprendre, mais influents ou au moins riche, bien qu'il semblât que l'un n'aille rarement sans l'autre. Des nomades, ayant fait carrière dans le commerce pour la plupart. Quelques hommes de la ville commerçant avec les précédents. Elle se retira derrière un pan de tissu, rouvrant la cicatrices qui marquaient la chair tendre près du coude qui ne se refermait plus. Elle utilisait toujours quelque plantes, mais moins et différemment qu'avant, la science et la médecine moderne lui ayant appris ce qui était vraiment utile, et ce qui relevait du mythe, ou qui avait uniquement un aspect psychologique rassurant. Elle n'avait aucun scrupule à utiliser ce procédé. Elle le faisait avec des cachets, peu familiers sur les anciens nomades, et des tisanes, des amulettes étranges, ayant un ''pouvoir'' mystique sur les citadins qui venaient, peu nombreux, mais présents.
Certaines blessures laissaient présager un statut, vis-à-vis de la loi, de certains de ses patients assez précaire, mais elle n'en n'avait que faire. C'était presque mieux, c'était un point de pression de plus. Elle avait provoqué la chute de certaines personne à ses débuts. Elle quitta la cape et remonta son écharpe devant son visage, cachant sa bouche et ses cheveux. Elle trouvait ses yeux trop reconnaissables, mais leur couleur un peu pâle, inhabituelle en mettait certains mal à l'aise, comme ses gestes trop lents. C'était pour le mieux.
Elle finit sa besogne, enleva pour la dernière fois les gants, trop grand sur ses petites mains. Elle remit cape, ré-empoigna la cape, empocha les preuves des faveurs qui lui étaient dues, inutiles, elle n'avait généralement qu'à les demander. Le soleil lançant ses derniers rayons colorait de doré et de pourpre le souk. Les lanternes commençaient à s'allumer. L'ambiance changea, devenant plus sombre. L'odeur s’enrichit d'une note subtile de sang, de poudre, d’électricité et d'alcool. Le bruit se fit plus doux. Ykaem se dirigea vers son lieu de rendez-vous, un bar qui commençait à s'enraciner, mais dont les murs étaient encore fait de tissu, roussi et imprégné d'alcool. Elle commanda un thé, n'ayant aucune confiance en l'alcool servi dans cet endroit. Le thé, par tradition était encore préparé à peu près correctement.