Why am I so... different ?

"... Et je finirai par me volatiliser. Pourquoi est-ce que tu ne comprends pas ? ".

Elle me regarda. Jamais encore elle ne m'avait regardée ainsi. Ses yeux d'un gris si clair me fixaient avec un mélange de haine et de compassion.
Autour d'elle, ses cheveux blancs et mi-long voletaient légèrement au vent. Elle était si différente des autres, elle était née ainsi, la peau blanche et les cheveux de neige, les joues légèrement rosées et les livres pâles. Elle était née ainsi parmi un peuple comme tous les autres, un peuple où avoir des cheveux blancs est une chose pour le moins... étrange.
Pourtant, sa mère n'était pas ainsi, ni son père, ni même son frère... Alors pourquoi cette différence ?

"Qu'y a t-il ?" me demanda t-elle me voyant sans mot.

Je secouai la tête. Elle était "albinos", l'ancien l'avait dit. C'était selon lui la preuve qu'elle était la véritable descendante du Serpent Blanc. Pour la plupart d'entre nous, ce n'était qu'une malédiction. Certains rejettent Noöm pour cela. Ou du moins, certains la regardent de façon étrange. Mais moi, je l'aime énormément. Même si j'ai une pointe de remord quand je la vois.
Je suis d'ailleurs bien plus grand qu'elle, elle doit faire à peine plus d'1m65, et elle est mince. Elle a quelques formes, certes, mais il y a des filles bien plus belles dans notre groupe d'amis. Pourtant, je ne peux m'empêcher d'avoir une attirance pour elle. Même si parfois elle semble être plus attirée par les filles, mais ce ne doit être que le fruit de mon imagination.

Noöm soupira, me ramenant à la réalité. de ses mains fines et douces, elle chassa un grain de sable de sa tunique beige. A sa ceinture, elle portait une petite sacoche de peau dont jamais elle ne voulait me montrer le contenu. A mon humble avis, elle ne comportait que deux trois cailloux ou peut être un ou deux objets trouvés en bordures de 1400.
Comme toujours, elle était pieds-nus, comme la plupart d'entre nous, même s'ils nous arrivaient de porter des sandales pour les longs voyages et les excursions montagnardes.
Dans le sable, à côté d'elle, était plantée sa longue lance qu'elle avait fabriquée d'elle-même.
Je la regardai de nouveau. Non, finalement, c'était bel et bien elle la plus belle de nos amis.

Je secouai la tête. Elle devait se demander pourquoi je la fixai. De plus, nous étions dans une pleine discussion bien trop importante pour elle, même si je n'en voyais pas l'issue.
Elle avait souvent ces discussions étranges et, pour moi, sans réellement de sens. Et le pire, c'est qu'elle changeait d'humeur si souvent dans la conversation que je ne savais jamais comment me comporter.

"Non, finalement, tu as raison, et puis la vie est importante, non ?" s'exclama t-elle en riant.

Et voilà, comme toujours, la conversation s'était terminée en queue de serpent.
Bien entendu, il nous arrivait aussi d'avoir un dialogue tout à fait normal, ou même de se confier des choses, mais cela ne durait jamais très longtemps, elle allait très vite
dans le mystère des choses.

"Bon, tu as fini de penser ?? Parle un peu !" s'écria t-elle.

Elle s'énervait de nouveau. Pourquoi changeait-elle si souvent d'humeur ?
Quelque fois, il lui arrivait de garder la même humeur une journée durant. Ces fois là étaient rare, c'était souvent lorsqu'elle était trop triste pour rire ou le jour de son anniversaire par exemple. Généralement, même s'il lui arrivait de s'énerver, elle était d'une gentillesse extrême et d'une sensibilité incomparable. Elle savait guérir les maux psychologiques des gens et elle comprenait lorsque quelqu'un allait mal.
Elle pleurait assez souvent à vrai dire. Non, pas si souvent, mais dès qu'elle était un peu triste, elle versait une larme ou deux, sans rien dire.
Mais elle savait aussi rire.
C'est pour cela que je l'aimais.

Cette nuit là, elle n'avait pas réussi à s'endormir et elle était venue jusque ma tente. Tous les deux dans la tente, elle m'avait si longuement regardé que j'avais cru un instant qu'elle allait me déclarer sa flamme. Dehors, le silence était si pesant qu'il en devenait presque assourdissant. Le froid de la nuit était glaciale et elle se tenait emmitouflée dans mes couvertures, sans dire mot.
Néanmoins, lorsqu'elle prit la parole, elle ne me parla pas d'amour, ce qui me rendit un peu triste.

-Tu ne me connais pas beaucoup, commença t-elle dans un murmure, lorsque nous parlons, c'est pour rien dire, ou alors pour révéler un secret mais je pense qu'il est grand temps de te raconter la vérité, car demain je pars en voyage et je ne pense pas revenir.
Elle soupira et détourna ses yeux des miens.

-Où pars-tu ? demandai-je, en tentant de cacher ma voix tremblante.

-Vers 1400, répondit-elle, vers les montagnes, vers l'autre bout du désert, il n'y rien pour moi ici et tu le sais, les gens ne me regardent pas comme si j'étais humaine.. Bref, je ne voulais pas te dire ça...
Je voulais te parler de notre réveil. T'en souviens tu ? Moi oui... Le soleil tapait si fort que nous en étions aveuglés. Mon premier réflexe a été de te chercher et je t'ai trouvé, tu étais réveillé depuis quelques jours. Et puis, mes souvenirs sont revenus peu à peu. Comment un souvenir peut-il se perpétuer sur des siècles ? Je me le demande.
Je revois mon père, mort, tué par une morsure de scorpion selon les uns, assassiné selon les autres... Je revois mon frère, à peine plus haut qu'un rocher, dans les bras de ma mère, pleurant toutes les larmes de son corps. Ma mère aussi pleure, sans un bruit, mais je vois les larmes couler.
Et puis moi, je me revois, immobile, debout face au corps de l'homme qui fut mon père. Je ne le reconnais pas, ou du moins, je ne ressens rien. Je me sens vidée, mais je ne parviens à verser aucune larme.
C'était 8 ans avant la longue nuit.
En me réveillant, j'aurais dû les chercher, ma mère et mon frère mais je n'ai pensé qu'à toi. Pourquoi ? Je ne ressens pourtant rien d'autre que l'amitié pour toi alors que l'amour porté à ma famille est si profond !
C'est seulement quelques jours après mon réveil que j'ai commencé à les chercher. De partout. J'ai demandé à l'ancien, j'ai demandé à nos amis, à Lin, Sora, Usko, tout le monde.
Tu sais la suite, je ne les ai jamais retrouvés...
Pendant un mois, personne ne me vit. Je partis me réfugier à quelques kilomètres de là ou nous nous trouvions cette année là. Cette fois-ci, je pleurai. Je pleurai en pensant à mon père, ainsi qu'à ma mère et mon frère disparus.
Puis, lorsque j'eus vidé toutes les larmes que je pouvais verser, je suis revenue. Tu ne me parlas pas pendant un long moment. Etais-tu fâché contre moi ?
Notre vie a continué. Peu à peu, l'amitié d'autrefois est revenue entre nous, et nous prenions place dans le clan. Il fallait bien nous rendre utiles. Après avoir fabriqué ma lance, j'ai commencé à trouver un intérêt particulier à la sculpture et me mis à fabriquer des talismans.
Je commençai à les vendre, puis à fabriquer des armes, et d'autres ustensiles utiles à la chasse ou à la cuisine.
Toi, tu devins un très bon chasseur.

Elle s'arrêta un instant de parler. Je ne comprenais pas pourquoi elle me racontait tout cela. Je le savais. Avait-elle oublié que j'avais vécu non loin d'elle toutes ces années ?

-Lorsque tu commença à fréquenter plus souvent notre amie Shö, je fus très heureuse pour moi, et très heureuse que tu me lâches enfin. Certes, je suis égoïste, mais tu me suivais de partout et j'avais besoin d'être libre.
Cependant, Shö t'a rejeté, comme toutes les autres filles, et tu es revenu vers moi. Je t'ai consolé et accueilli à bras ouverts et nous sommes redevenus amis.
Tu étais plus distant avec moi mais dès que nous passions du temps ensembles, nous nous entendions à merveille.
Et puis, un jour, ton père est revenu d'un voyage vers 1400. Il était blessé et traînait derrière lui un lourd sac.
Lorsqu'il parvint jusqu'à nous, il s'effondra au sol. Tu le portas jusque la tente et appelas l'apothicaire pour qu'il le soigne.
Puis, l'ancien ouvrit le sac et s'empara de l'objet maudit qui s'y trouvait. Toi et moi n'en avions jamais vu de tel, mais les autres savaient. C'était un objet brillant et gris qui venait de cette ville.
Les membres du clan parlaient de "robot" et de "technologie" depuis qu'un Fils du Serpent était revenu de 1400 avec ces mots là. Pour nous deux, ce n'était qu'un trésor, une pierre précieuse.
Mais très vite, l'objet fut enterré à l'écart et personne ne sut exactement où. Ainsi, le temps passa.
Et puis cette nuit là, je t'ai vu. J'étais dehors, à contempler une nuit étoilée. Tu es passé à quelques mètres de moi sans me voir et tu as disparu derrière les dunes. Je me suis levée et t'ai suivi dans le but de te faire peur.. Mais très vite j'ai compris que tu n'avait pas le droit d'aller là bas.
Comment connaissais-tu la cachette ? Je ne le savais pas, mais lorsque tu déterras l'objet maléfique, mon coeur se retourna.
Toi, mon meilleur ami, tu osais défier la Divinité ? Oublies-tu que nous sommes les descendants de Mu ? Oublies-tu le Serpent qui nous a guidé dans les nuits les plus profondes jusqu'à une terre bienfaitrice ?
Tu as contemplé l'objet et tu t'es agenouillé devant lui en murmurant des prières. Puis, tu as sorti une pierre taillée de ta poche et tu as extrait une partie du "robot". Tu l'as glissé dans ta poche, enterré de nouveau l'objet et tu as fait demi tour.
Je me suis rapidement cachée derrière un rocher qui se trouvait miraculeusement là et tu es passé devant moi, si près que je pouvais entendre ton souffle. J'avais envie de sortir de ma cachette pour te parler, mais je ne pouvais pas.

Cette fois-ci, lorsqu'elle s'arrêta de parler, je détournai le regard. Ce qu'elle ne savait pas, c'est que la Divinité m'avaient retiré l'extrait de l'objet quelques jours plus tard et qu'il avait ainsi disparu.

-Alors, une autre nuit, l'idée me vint. J'étais aussi curieuse que toi, tu comprends ? Alors, je suis sortie de ma tente et suis en premier lieu allé dans la tienne. J'ai murmuré ton nom, j'ai attendu et je suis rentrée. Tu dormais profondément et lorsque je me suis emparé de l'objet volé, tu n'as même pas bronché. Je suis doucement sortie et me suis éclipsée à l'écart des tentes.
Alors, j'ai pu contempler l'objet. La lune se reflétait dessus et il était si beau ! Je comprenais mieux pourquoi tu avais été si attiré.
Je suis ensuite revenir vers ma tente et m'empressai de faire mes bagages. Puis, je suis partie.
Le lendemain, tu as dû me chercher car je n'étais plus là, mais je revins le soir même sans rien dire à personne. J'étais allée jusque 1400 dans le but de découvrir les secrets de cette cité maudite et miraculeuse à la fois. Une fois arrivée à proximité, j'ai vu des oiseaux gris aux mêmes teinte que l'objet, chevauchés par des gens, des immenses tours, des lumières étranges.
Cette ville m'a fait peur, et je suis donc partie sans oser m'y approcher.
Demain, j'irai, j'ai besoin de savoir. Que s'est il passé durant ces 2800 années ? Les Dieux se sont-ils installés sur terre ? Est-ce leur ville ? Ou est-ce au contraire des démons venus de sous la terre ?

-Laisse-moi t'accompagner, répondis-je seulement.

-Non.

Elle me prit dans ses bras et sortit furtivement de la tente. Fatigué, je me suis endormi assez vite malgré tout ce qu'elle m'avait raconté. Le lendemain, le soleil était déjà haut dans le ciel lorsque j'ouvris de nouveau les yeux.
Noöm avait disparu mais personne ne s'en souciait, du moins, pour le moment. Nous pliâmes tous ensembles les tentes et partîmes, comme toujours.
Ce jour là, la marche me parrut plus longue et moins supportable. Etait-ce le fait que personne ne m'accompagnait ? Probablement. Je me sentais si seul sans elle, même si Lin et Usko me parlaient de la tortue qu'ils avaient adoptés la veille, même s'il y avait d'autres personnes avec qui parler, je me sentais incroyablement seul.

Deux semaines après le départ de Noöm, je mourus. J'étais malade depuis longtemps et je n'avais pas supporté ces derniers jours.