Le Soleil s’infiltra doucement dans la tente, parcourant le chemin tracé par les longs et virevoltants filins de sable mêlé de poussière. Allongée depuis bientôt plusieurs heures, Sola se laissait contempler l’image apaisante d’une lumière apaisante.
Elle avait dormi dans des centaines d’endroits. Dans son passé s’enchaînaient chambres d’hôtels, tentes, et des maisons, en somme des milliers de réveils dans d’aussi nombreux paysages. Et pourtant, reprendre conscience après une longue nuit dans le désert était toujours le plus agréable. Ecartant son ordinateur, et une tonne de livre, elle se redressa et s’étira doucement. Sa tente, minuscule, paraissait encore plus étroite sous les dizaines de livres qui l’habitaient, et menaient une féroce guerre de territoire envers la jeune femme. Et pourtant, elle n’aimait pas particulièrement lire. Son intérêt était bien plus proche de la bibliomanie, comme si elle avait un besoin compulsif de pouvoir saisir un ouvrage, une page, de la parcourir et de la connaître. Être entouré de livres était rassurant.
Elle les rangea lentement, laborieusement dans la faible lumière, dans sa valise, puis s’habilla, encore plus lentement, et encore plus laborieusement. Les habits nomades, s’ils étaient magnifiques, soyeux et bien plus pratiques que ceux de 1400, resteraient éternellement pour elle un casse-tête lourd et en tissu. Ensuite, elle rangea la tente, décidant d’enchaîner les épreuves insupportables. On aurait pu s’attendre d’une société développée, disposant d’un magnifique Super Ordinateur, d’un Dôme et de glaces à la vanille, qu’elle inventât des tentes ergonomiques. Mais non. A moins qu’ergonomique ne signifiât « facteur efficace de calvaire ».
Quand tout fut rangé, Sola reprit sa marche, sa sempiternelle valise en main, qui cahotait sinueusement dans le sable. Elle laissait derrière elle une longue trainée, le sillon des roulettes, ainsi que le bruit agréable du roulement sur un sol doux.
La chaleur accablante tapait, sous la forme de cette énorme boule de feu qui traversait les cieux. Son esprit se mit à vagabonder, alors qu’elle piétinait le sable. D’abord, il se mit à peindre, à couvrir le désert des couleurs d’une histoire, d’une rencontre. Sola imaginait en marchant. Elle l’avait toujours fait. D’idée en idée, elle finit par revenir à son objectif. Elle marchait dans le désert depuis plusieurs jours maintenant, rationnant son eau et endurant la morsure de l’Astre, à la recherche d’une tombe. Ou, plus précisément, d’un parchemin, mais les deux étaient étroitement rapprochés par le lien de la contenance. Elle faisait des recherches.
Parfois, le métier de romancier menait sur d’étranges chemins. Quand il recherche la véracité, l’homme passionné peut la chercher loin, et l’auteur peut se faire investigateur. Et depuis plusieurs semaines, Sola se renseignait sur un homme, et le faisait si bien qu’elle ignorait son nom. C’était un Adorateur du Scorpion, un très ancien. Antérieur au Grand Sommeil. Un homme qui avait été un héros pour ce peuple, mais ce n’était pas ce qui avait impressionné la jeune femme. Ou en tout cas, cela l’avait bien moins marqué que le reste de son œuvre. Cet homme, avait été philosophe. Ou plutôt, disons qu’à force de rechercher de nouvelles formes de violence, avait fini par la lancer dans les mots. Ses écrits étaient d’une agressivité, d’une sagesse et d’une violence stupéfiantes. Il avait porté sa passion pour le combat avec une telle exactitude que son pouvoir d’évocation aurait marqué n’importe quel esprit pour le moins sensible.
Et, dans le désert, sous les traits d’une nomade, Sola était à la recherche de son nom, et si possible de plus d’informations. Cet homme avait été fascinant. Et plus elle en saurait sur lui, plus sa transcription, sous les traits d’un personnage, serait juste, et proche du sujet de base.
Et c’était une nouvelle occasion de voyager. Une occasion flamboyante. Qui aurait sérieusement eu besoin d’une escorte.
Jusqu’à ce que cela lui arrive, Sola ne s’était pas vraiment attendue à être étendue, une dague sous le cou et un visage foudroyant face à elle. Elle ne dit rien, d’abord, un instant fascinée par la beauté qui lui faisait face. Sa conscience, encore un peu trop enfoncée dans son imagination, ne réalisait pas qu’il était temps de fuir, et plutôt qu’il fallait se noyer dans ce visage fin, si nouveau, et si étrange. Sola n’avait jamais vu d’yeux rouges, et les trouvaient sublimes. Et puis, elle aperçut, dressé sur l’épaule de la femme qui la surplombait, un scorpion, entre ses yeux et le soleil. La connexion se fit immédiatement, contrairement à l’instinct de survie.
« Vous êtes Adoratrice du Scorpion ? »